Audrey C. : Le portail des mondes
![Le Portail des Mondes: Tome 1 par [C., Audrey]](https://images-eu.ssl-images-amazon.com/images/I/51lTMjbIj7L.jpg)
Le Portail des mondes nous entraîne à la suite de son
héroïne, la jeune Cassie, une militaire qui n’a pas froid aux yeux, dans une
odyssée impliquant des haltes sur plusieurs planètes. L’une d’elle, habitée par
des rustres cyclopéens, déclare la guerre aux autres mondes.
Le récit épique comporte trois parties. La première,
merveilleuse, où l’imaginaire donne à explorer trois mondes dont deux
paradisiaques. Sur la planète sombre vivent des êtres en rocs, lents et limités
(pourvus d’un seul œil et peu portés sur l’amabilité). Sur Fiore virevoltent
des Fées avec des ailes de papillon. Sur Coedena voisinent trois peuples, des
géants bleu-vert, tatoués ; dans ce dernier monde, l’héroïne peut même
rencontrer une divinité primordiale qui la valorisera, lui reconnaissant sa
pureté, et ira même jusqu’à la protéger d’un assassinat pendant le sommeil.
Une deuxième composante surgit brusquement de la première,
du type Space Opera : dès lors, une suite d’épreuves guerrières héroïques
secoue le lecteur dans les mondes naguère merveilleux, mais à présent dominés
par le mal et la cruauté sans merci. Les trois planètes ont été envahies et
assujetties par une quatrième, rocheuse, impitoyable, le monde des ténèbres qui
veut se venger d’avoir été déconsidéré. Dans cette violence où peu d’horreurs
lui seront épargnées, l’héroïne perd tous les siens, y compris sa petite sœur
qui sera kidnappée. Au combat pour la survie s’ajoute désormais la quête de la
cadette.
Enracinée dans un récit de guerre, voire déjà dans la partie
« merveilleuse », la troisième composante semble caractérisée par de
nombreux traits du genre « voyage initiatique » :
1) rupture avec le monde natal et familier ; 2)
isolement et passage d’un monde à un autre avec multiplication des épreuves et
des périls mortels ; 3) changement d’apparence, abandon des vêtements
propres à ses semblables ; 4) rencontre d’êtres supérieurs, dotés de
pouvoirs inconnus ; 5) renaissance, retour à la vie ; 6) accès à un
statut supérieur.
Reste donc à déterminer de quelle mystérieuse initiation il
s’agit ici. L’idée liée à l’initiation paraît simple : ce n’est pas le
monde qu’il faut changer, mais la nouvelle génération.
En l’occurrence, le voyage semé d’embûches mortelles conduit
Cassie vers quoi ? Au fil du récit, surtout dans la dernière partie, on a
le sentiment que l’héroïne se rapproche d’un jeune prince, en dépit de ses
défauts. On frôle même l’attachement, dans une dynamique qui alterne
l’attirance et la répulsion. On se souvient aussi que Cassie déclare fuir la
relation amoureuse au début de l’histoire. Elle préférait alors rester
célibataire.
Ainsi, on le voit, Le Portail des mondes est un roman nuptial
où se déroule l’initiation au couple en plein théâtre d’une guerre des mondes.
La narratrice transgresse trois normes habituelles (ce qui
n’est bien sûr pas un défaut, souvent au contraire). La première, l’exposé d’un
décor paradisiaque (mis à part le premier monde obscur) reporte l’irruption de
la crise non loin de la moitié du récit. La deuxième, l’unité narrative est
rompue de manière originale à plusieurs reprises par la simple mention du nom
(en gros caractères gras) de celui ou celle dont on découvre le point de
vue ; on passe ainsi d’une conscience à une autre, brièvement. La
troisième est la plus spectaculaire : la fin du récit ne correspond pas à
la résolution d’un problème, elle ne décrit pas un accomplissement, un état qui
permet au lecteur de dresser un bilan. Les dernières lignes plongent dans
l’inachevé : l’héroïne n’est ni morte, ni sauvée. Le texte annonce donc
une suite. On se situe davantage dans la série ou le feuilleton que dans le
roman. À noter que, sur la couverture, le nom de la rédactrice du roman est
lui-même inachevé : Audrey C.
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