La clé USB, Jean-Philippe Toussaint
La
clé USB, Jean-Philippe Toussaint, Minuit, 2019-10-09
Flirtant avec le
thriller, ce roman relate les péripéties internationales d’un fonctionnaire
européen, spécialiste de l’avenir (en prospective stratégique) dans le cadre de
la technologie quantique.
Le personnage
principal, le narrateur, subit lors de sa résistance aux lobbies (qui ramifient
jusqu’en Chine) une descente aux enfers dans un monde devenu incompréhensible,
dans un monde construit par des génies narcissiques, sans frein, des surdoués
déconnectés du réel, dans un monde où les émotions règnent sur la raison, dans
un monde qui étend son « côté obscur ». Difficile dès lors d’y voir
clair, de savoir si telle ou telle démarche est justifiable, tolérable ou répréhensible.
Le bien et le mal n’ont plus de frontière…
Dans ces condition, l’antihéros
ne peut que vivre fautif, il ne peut que céder à la « force obscure »,
ne fût-ce que par inertie, sinon par faiblesse d’exercer son esprit critique.
Ainsi, quand le narrateur commet sa première transgression (le vol d’une clé
USB), il avoue : « je ne sais pas ce qui me prit » (p. 55). Par
la suite, il se montre souvent paralysé face à l’action : (il est) « pétrifié
(…) incapable de bouger » (p. 131), « vide, impuissant »
(p.133), « l’esprit vide » (p. 161) ; « je me sentais
complètement vide » (p. 161) ; « que faisais-je là ? »
(p. 162).
D’où l’escalade des
situations fâcheuses, d’où la montée de la honte, véritable fil conducteur de l’histoire.
Ce sentiment de culpabilité culmine vers la fin, quand, à son retour peu
glorieux d’Asie (où, entre autres, il s’était fait voler son ordinateur dans
une cabine des toilettes), le personnage principal va rater la mort de son père…
Dans son style
typiquement toussaintien, non sans humour, à travers le regard souvent
introspectif du personnage principal, l’auteur entraîne le lecteur à s’interroger
sur sa place et son rôle dans une réalité contemporaine qui égare plus qu’elle
ne gratifie.
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