Une machine comme moi, Ian MacEwan, Gallimard, 2020
Une
machine comme moi, Ian MacEwan, Gallimard, 2020
Nous imiter et nous
perfectionner, un rêve narcissique ? Un moi parfait est-il viable dans l’enveloppe
d’un bel androïde bien musclé, bien pourvu, à la peau tiède artificielle, un
visage si humain ? Un domestique et compagnon qui réfléchit ne risque-t-il
pas d’outrepasser son cahier des charges ?
Le récit qui met en
scène un tel robot se déroule dans une Angleterre revisitée de Margaret Thatcher,
dans une année 1982 qui ressemble technologiquement à notre époque (voire
au-delà), une année 1982, où grouillent les voitures autonomes, les
smartphones, Internet et bien sûr les ordinateurs de tout acabit, une année
1982, où l’on vient de mettre sur le marché 12 Adams et 13 Èves. C’est que
Turing, le génie qui inventa le premier ordinateur pendant la seconde guerre
mondiale, non seulement ne s’est pas suicidé, mais il se montre très actif, à
la tête d’un Institut qui a fait progresser l’intelligence artificielle et la
biologie computationnelle.
Passionné d’électronique,
admirateur de Turing, Charlie devient l’un des heureux propriétaires d’un Adam
acheté grâce à toute la fortune d’un héritage. Looser optimiste, fiscaliste en
disgrâce, il vit chichement, boursicote pathétiquement. À 32 ans, il tombe
amoureux de Miranda, sa charmante voisine, doctorante de 22 ans. Mais d’emblée,
son robot fraîchement acquis le met en garde contre cette nouvelle relation. C’est
qu’Adam est plus moral que le plus moraliste des humains. Tant il tient à la
vérité, il ne comprend pas le mensonge qu’a commis la jeune femme. Il saisit
aussi fort mal les jeux des enfants, alors que le couple envisage l’adoption d’un
enfant des rues maltraité.
Avec en toile de fond
la chute de Margaret Thatcher, les attentats de l’IRA, la confusion instaurée
par les travaillistes divisés sur tous les grands sujets économiques, la colère
du peuple qui enfle contre le monde politique, Charlie et Miranda vivent tant
bien que mal leur histoire d’amour bientôt compliquée par Adam qui déborde de
ses fonctions d’ami et de serviteur : ne devient-il pas amoureux de la
petite amie de son maître ? Ne s’approprie-t-il pas de la richesse
accumulée grâce aux actions boursières ? Pourtant ce robot se déclare
confiant en l’avenir, contrairement à plusieurs de ses semblables qui se sont
suicidés ou dégénérés.
Ce roman fort bien
écrit (mais à mon avis pas toujours bien traduit) nous offre un intéressant
feuilleté : une uchronie, une romance, une dimension sociale et politique,
un problème de science-fiction qui interroge sur le robot qui nous
ressemblerait trop, sauf qu’il est coincé dans les principes éthiques. Ainsi, le
premier dialogue entre le maître et l’androïde : « Comment vous
sentez-vous ? » demande le propriétaire. « Pas très bien »
répond l’automate, se plaignant d’abord d’être nu.
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