La Machine de Dieu, Bernard Roux, 2019
La
Machine de Dieu, Bernard Roux, 2019
Voici un énorme space
opera centré sur un Sauveur, Pierre Plon. Un sauveur intrépide jusqu’à ses
ultimes interventions : n’empêche-t-il pas un cataclysme volcanique fatal
pour la Terre après avoir éradiqué de l’Europe un néofascisme militariste et
chrétien ? Devenu vieux, Pierre cultive l’effort dans un chalet rural à l’orée
d’une forêt qu’il exploite avec respect en compagnie de son beau-fils et d’un
vigoureux cheval. Bien sûr, il mérite cette fin tranquille. C’est qu’il en a vu
des vertes et des pas mûres…
Enlevé par des ET,
exilé de sa famille sans espoir de retour, ce père marié, animé par la soif de
vérité, interroge sa lucidité dans le gigantisme interstellaire : qu’en
est-il désormais du sens de sa vie ?
Ses ravisseurs ont
besoin de sa personnalité. Son trait martial l’aidera pour vivre en symbiose avec
une étrange Machine évolutive. Celle-ci ne supporte plus sa conscience d’elle-même,
si bien qu’il lui faut un organisme à fort caractère susceptible de survivre au
désespoir abyssal qu’entraînent ses algorithmes. Au-delà de cette association,
quelle serait la mission spatiale de Pierre ? Affronter avec la Machine
des créatures sadiques dont la testostérone avive la voracité de dominer non
sans une cruauté gratuite. Hélas, ces Aliens conquérants sont d’autant plus
coriaces qu’ils ont gagné les sommets de la technologie. L’enjeu revient à motiver
les progrès de la Machine pour sauver des milliards de mondes habités. La
fusion du Superordinateur de ces monstres avec Elle leur vaudra l’extermination
dans un ultime combat. Mais la guerre contre ces ennemis impitoyables sera parsemées
de défaites.
Toute mathématique que
soit l’essence de la Machine, celle-ci nécessite l’irrationalité pour ses
calculs. Elle s’avère affective, capable de colère contre qui l’exploite avec
mépris, capable de honte en cas d’erreur dans ses estimations. Elle influence
bientôt son partenaire humain qui tend lui aussi à s’approprier par l’esprit l’univers
et l’humanité, jusqu’à devenir l’un et l’autre. Mais est-ce vraiment
supportable de tout savoir, de tout prévoir, sans plus aucune limite ?
À la suite de l’une des
débâcles magistrales contre l’ethnie la plus abjecte du cosmos, Pierre doit se
réfugier chez des ET, un peuple d’hommes et de femmes au stade médiéval. Sur
cette planète, il va connaître une période moins apocalyptique, à une échelle
plus humaine. Riche de son savoir supérieur et d’une arme invincible, il va non
seulement les libérer de la tyrannie, mais encore, par l’enseignement, leur
apporter sagesse et prospérité, avant de rencontrer, parmi eux, une nouvelle et
jeune épouse.
Mais, comme on l’a vu,
grâce à l’inséparable Machine, Pierre accède à l’omniscience. Or, le vertige de
la complétude et de la complexité lasse le héros des étoiles. Il conclut que, dans
sa finitude, la vie n’a du sens que grâce au hasard… D’où le retour à une vie
champêtre.
Titre un peu trompeur, La Machine de Dieu s’avère être en fait
Dieu Lui-même. Pierre fusionne donc avec Dieu. Vaste interrogation sur la
perfection, l’ensemble du roman présente un style soigné, irréprochable. Les
séquences narratives se déploient avec un tonus variable, oscillant entre
descriptions soutenues et le suspens trempé dans le thriller.
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