Mr Nobody, Jaco van Dormael











Mr Nobody (2010), Jaco van Dormael

Déroulé à la manière d’un conte poétique, d’une fable pour les enfants, ce film s’inscrit-il dans la catégorie « science-fiction » ?
Nemo Nobody (deux fois personne) est le dernier mortel encore en vie. En 2092, il a plus de 117 ans, alors qu’autour de lui, l’humanité a maîtrisé la dégénérescence de la vie. Pour l’espèce Homo sapiens, l’avenir semble donc prometteur, sauf qu’il n’y a plus d’amour.
Non sans réticences, Nemo est amené à révéler son passé, afin de satisfaire la curiosité des immortels : comment était-ce avant ? Il raconte donc au fur et à mesure des fragments de son histoire, ou plutôt de ses histoires, à son docteur, puis à un journaliste et s’aventure à revivre les principales ramifications envisageables de son existence. Mais alors, quelle a été sa vraie vie ? Toutes, prétend-il.
Par son « ton conte » et ses sauts dans le passé vécu, ce récit labyrinthique, non sans des cheminements répétitifs, peut évoquer « Je t’aime, je t’aime » (1968) d’Alain Resnais, inspiré par la mode narratif du Nouveau Roman.
En fait, le nÅ“ud de cette étrange biographie arborescente, c’est l’angoisse du choix.
Que préférer ? Sur quelles valeurs fonder sa décision ?
Ses parents sur le point de se séparer sur un quai de gare, quel parti prendre ? Partir avec sa mère ? Rester avec son père ? Plus tard, une fois adulte, avec qui se marier ? Avec Anna, pour vivre l’amour-passion ? Avec Jeanne, pour jouir avec elle de la réussite matérielle ? Avec Élise, pour sauver une relation impossible ?
Mariages ratés, accidents fatals, catastrophes planétaires, tous ces revers majeurs autorisent-ils l’optimisme ?
Sans oublier que s’invite l’effet papillon dans chacune de ces possibilités de tranche d’existence. Ainsi, au bout de son voyage, une gouttelette conçue par un fainéant au Brésil peut effacer le numéro de téléphone griffonné à la hâte, lors d’une heureuse rencontre fortuite.
Dans l’une de ses vies, Nemo se passionne pour l’astronomie en particulier pour le sens de l’univers, l’avenir du Big Bang. Son imagination cosmique le pousse à écrire de la SF. À travers son héros spationaute, il se rend sur Mars colonisé par les Terriens. Sur la planète rouge, il apprend l’heure de la fin de l’univers. Que deviendra, dès cet instant, le temps ? Et si le Big Crunch nous imposait une chronologie à reculons ?
On le voit, ce film de van Dormael partage avec la science-fiction un questionnement philosophique existentiel. Vaut-il la peine de devenir immortel ? Suis-je libre ou déterminé ? La vie que l’on subit ou que l’on choisit, est-elle compatible avec l’espoir ? Est-ce que j’ai vraiment compris les causes de mon action, ou bien suis-je leurré, tel ce pigeon superstitieux qui croit que c’est en battant des ailes qu’il obtient ses graines, alors que c’est une simple pression de sa patte qui lui octroie sa nourriture.
Un film envoûtant, désarçonnant, poétique, qui donne à méditer, avec une image somptueuse, une mise en scène imprévisible, spectaculaire et surtout des plus originales.


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